Ne laissez pas le singe incendier votre maison
Ajahn Chah
Traduction
de Hervé Panchaud
https://www.dhammadelaforet.org/
Le
bouddhisme nous enseigne à faire des efforts diligents dans ce que
nous entreprenons, mais nos actions ne doivent pas être empreintes
de désir. Elles doivent être accomplies avec l'intention de
laisser aller et le souci du non-attachement. Nous devons faire ce
que nous avons à faire, mais en sachant lâcher prise. C'est cela
que le Bouddha nous a enseigné.Mais c'est fatigant
et guère enthousiasmant. Les gens de par le monde agissent dans un
seul but : acquérir quelque chose - comme ces personnes qui
viennent vous voir pour vos connaissances en médecine ou vos
capacités de gestionnaire. C'est parce qu'elles recherchent un
profit. En général, ce qui est fait est fait à cause de ce désir
d'acquérir. L'attachement et la possession deviennent un but
dans l'existence. Mais nous devons faire notre travail en fonction
des responsabilités qui sont les nôtres. Si nous agissons de la
sorte, faisant ce qui est juste avec une compréhension correcte,
alors nous nous sentirons bien.Lorsque vous plantez
un arbre, si vous voulez le faire correctement, obtenir des fruits et
avoir l'esprit tranquille, comment devez-vous procéder ? Il vous
suffit de faire ce qui est de votre responsabilité. Choisir un
arbre, c'est votre travail, creuser un trou, c'est votre travail,
disposer de l'engrais, planter l'arbre, l'arroser, le protéger
des insectes, tout cela c'est aussi votre travail. Mais çà
s'arrête là. Que l'arbre croisse rapidement ou non, ce n'est
pas de votre ressort. Laissez cela. C'est vous qui avez planté
l'arbre et qui en avez pris soin, mais vous ne devez pas
penser : « Quand va-t-il atteindre sa taille adulte ?
Quand portera-t-il des fruits ? ». Ça ce n'est plus
votre affaire, mais celle de l'arbre. Si vous pensez : « Je
l'ai bien arrosé et bien entretenu, maintenant que puis-je faire
pour qu'il grandisse plus vite ? », cela ne sera d'aucun
secours. Ce n'est pas de votre responsabilité, même s'il existe
un lien : si vous avez accompli votre tâche correctement,
l'arbre va forcément pousser de façon naturelle. Si vous pensez
ainsi, vous pensez de manière correcte. Mais si vous désirez qu'il
pousse en un jour ou deux seulement parce que vous avez fait beaucoup
d'efforts, alors vous vous trompez. Avec cette manière de penser,
vous ne connaîtrez aucun bonheur. N'y pensez pas trop.C'est une question de cause et d'effet. Si les causes sont
bonnes, les effets qui en résultent seront forcément bons car tout
résultat est issu de causes. Nous avons nos propres tâches et nous
devons les remplir pleinement. Mais nous devons agir sans attachement
et en nous contentant de veiller à nos seules affaires. Si nous
essayons d'assumer les responsabilités propres à l'arbre, alors
nous serons déçus. L'important, c'est de faire en sorte que les
causes soient bonnes car alors les résultats seront bons. Si nous
pensons de la sorte, notre esprit sera léger. Sinon nous faisons le
travail de l'autre, allant regarder l'arbre aujourd'hui, y
retournant demain pour essayer de voir s'il grandit.C'est ce que l'on appelle « l'action juste »,
mais il peut y avoir beaucoup de choses qui viendront nous déranger.
La présence d'insectes peut venir importuner la personne qui prend
soin de l'arbre et l'inquiéter. Quand il y a nombre de tâches
et nombre de personnes, il peut y avoir beaucoup de raisons -
frictions entre les gens, etc. - qui viennent troubler notre esprit
alors que nous essayons de faire de notre mieux.C'est
normal. Par exemple, critiques et louanges sont des jugements qui
vont de pair. Sans critiques, il ne peut y avoir de louanges, tout
comme sans louanges, il ne peut y avoir de critiques. Nous devons
être capables de composer avec les unes comme avec les autres. Nous
devons comprendre que ces jugements nous aident, nous tiennent en
alerte. Ce ne sont que cela : des rappels à la vigilance. Mais
nous ne voyons pas cela sous cet angle. Si quelqu'un nous dénigre,
immédiatement nous sommes en colère et avons le cœur gros et, si
quelqu'un nous adresse des louanges, nous montrons des signes de
contentement. C'est ainsi, nous ne voyons pas qu'il y a là deux
jugements qui vont de pair. Nous pouvons bien faire notre travail
maintenant, alors que nous ne savions pas comment faire auparavant.
L'un découle de l'autre. En découvrant ce qui est inapproprié,
nous apprenons ce qui est correct. C'est tout à fait naturel. Si
nous avons cette forme de compréhension, alors le non-attachement
viendra. Chacun de vous doit faire des efforts, réfléchir et
pratiquer dans ce sens.Le Bouddha a enseigné que
certaines actions étaient bonnes, mais peu de gens les mettent en
pratique, alors que d'autres n'en ont pas connaissance et que
d'autres n'y trouvent pas d'intérêt ou se comportent de
manière opposée. Ceci peut vous perturber mais vous devez
simplement comprendre que c'est ainsi que vont les choses dans le
monde. C'est ainsi. Maintenant, si des personnes viennent nous
critiquer ou nous diffamer, nous ne pouvons pas le supporter. Et
pourtant, cela va se reproduire un jour ou l'autre. S'il y a
louange, il y aura critique, cela va de pair. Comprendre cela permet
de résoudre le problème. Nous ne pouvons pas avoir l'un sans
l'autre. C'est impossible. Les deux choses se produisent en
permanence dans cette existence, ce sont des obstacles auxquels nous
devons faire face.Quand nous agissons, nous
rencontrons inévitablement des obstacles. S'il n'y a pas
d'obstacles, il n'y a pas de souffrance. S'il n'y a pas de
souffrance, nous ne prêtons pas attention aux choses, n'est-ce
pas ? C'est pour cela que le Bouddha a parlé de la vérité
de la souffrance.Si vous pensez suivant le Dhamma,
vous pouvez acquérir la tranquillité d'esprit en apprenant
progressivement par vous-même. Pensez un peu à ceci. Vous plantez
un manguier avec le désir d'obtenir des fruits. Mais toutes les
mangues seront-elles mangeables ? Pour pouvoir vous réjouir
d'avoir une mangue bien mûre, combien auront été perdues ou
jetées ?Si vous êtes découragé par cette
perspective, vous pourriez ne plus avoir envie de planter ces arbres.
Beaucoup de mangues tombent ou pourrissent avant d'être mûres.
D'autres ne mûriront pas bien, alors quel intérêt ? Bon,
c'est ainsi : certaines mangues vont tomber, vous devrez en
jeter d'autres, mais vous plantez les arbres et en prenez soin.
Vous pouvez manger des mangues aujourd'hui simplement parce que
c'est ainsi. Si vous vous dites : « Qui voudrait planter
des manguiers pour que tant de fruits finissent à terre ? »,
alors vous ne mangerez jamais de mangues.Vous devez
revenir en arrière pour chercher l'origine des choses, leur cause.
Mais vous vivez dans un endroit très agréable, alors vous n'avez
pas envie de faire cet effort. Cependant vous devez accepter de vivre
dans un lieu sans commodité et faire naître le confort véritable.
En vérité, si vous pratiquez correctement, il y aura toujours une
voie. Quand quelqu'un vous diffame, vous devez être capable de le
supporter. Si vous ne parvenez pas à résoudre cela, vous vivrez
avec la souffrance jusqu'au jour de votre mort.Certaines personnes m'on demandé : « Luang Por,
comment pouvons-nous survivre sans tuer aucune créature ? Si
nous cessons de tuer les moustiques, ils vont nous dévorer. »
« Dites, depuis combien d'années tuez-vous les
moustiques ? » - « Depuis que je suis enfant. »
Alors, les moustiques ont-ils disparu ? Même si vous
passiez toute votre existence assis ici à tuer les moustiques, il en
resterait encore.
Si les moustiques ne cessent d'affluer,
mieux vaut pour vous cesser d'essayer de les tuer. Ainsi, il ne se
passera rien. Si vous persistez à vouloir vous battre et vaincre,
vous allez toujours être vaincu. La réalité pour l'animal est
celle-ci : lorsqu'il sent une source possible de nourriture,
il vient s'y rassasier. Il ne voit pas les choses de la même
manière que l'humain. Alors essayez d'élever votre esprit
au-dessus de celui de l'animal. Si vous voulez rester en
compétition avec les moustiques, sachez que vous serez toujours le
perdant.Je vous dis cela pour que vous
réfléchissiez. Si vous voulez tuer, allez-y ! Tuez ! Mais
vous ne viendrez pas à bout des moustiques, je peux vous l'assurer !
Si vous voulez combattre quelque chose qui ne peut être éradiqué,
quand en verrez-vous la fin ? Tuer des moustiques ne mettra pas
fin à l'existence des moustiques. Et dans un endroit où il y a
des moustiques, comme en Thaïlande, je vous recommande de renoncer
parce que les moustiques, eux, ne renonceront pas ni ne
disparaîtront. C'est la seule manière d'en finir.Que devrons-nous faire si nous ne pouvons pas tuer les
moustiques ? Nous penserons peut-être que l'enseignement du
Bouddha, qui nous dit qu'il ne faut pas tuer les moustiques, est
bien trop subtil pour nous. A quoi peuvent donc servir les
moustiques ? C'est bien ce que nous pensons, n'est-ce pas ?
Mais si nous pouvions savoir ce que ressent le moustique, il se peut
bien qu'il se dise : « A quoi peuvent bien servir
les humains ? ». Alors, que devons-nous faire ?C'est simplement une pensée qui me passe par la tête mais
nous devons avoir ce type de pensées, analyser les choses sous tous
les angles, afin d'arriver à une meilleure compréhension. A quoi
peuvent servir les moustiques ? Ils ne font que venir boire
notre sang. C'est utile pour eux. Ils doivent chercher leur
nourriture.C'est comme lorsque vous construisez une
maison pour vous-même. En fait, ce n'est pas seulement votre
maison. Des lézards y entrent et y résident, des souris viennent y
vivre. Ces animaux ne savent pas à qui appartient cette demeure. Ils
y voient juste un endroit où trouver refuge et ils s'y installent.
Alors, nous sommes en colère : « Oh ! Les souris
rongent mes nattes et mes coussins ! ». Mais les souris n'en
savent rien. Elles ont vu quelque utilité à faire cela. Sans doute
ont-elles fait un abri pour y installer leurs petits. C'est
simplement leur manière de faire. Elles ne cherchent pas à détruire
ou à nous voler quelque chose. Si nous avions une plus grande
sagesse que l'animal, nous devrions nous occuper de nous-mêmes et
tirer une compréhension nouvelle de ces situations. Alors elles ne
seront plus un problème. Le Dhamma doit aller à la racine de toute
chose.Tanha
c'est
le désir. Si nous allons ainsi au fond des choses, nous pouvons
l'atténuer. Dans les livres, on appelle çà « le désir »
mais, dans mon système de méditation, je nomme cela « le
puits sans fond », une immensité sans limite : voilà
comment se présente tanha
dans
la méditation. Il est dit : « Il n'est aucune
rivière qui égale le flot du désir ». Une immensité sans
limite - il n'y a pas de limite à la souffrance. Le désir ne
vient pas de la bouche ni de l'estomac. Ceux-ci peuvent être
satisfaits. Si l'estomac n'a pas eu assez, on peut toujours
manger encore du riz. Ce qui a la caractéristique de tanha,
ce n'est pas la bouche ni l'estomac. Le désir n'a pas de
forme, pas de soi ; c'est une immensité sans fin.J'ai comparé cela à un chien. Un chien à qui l'on donne du
riz le mange. Un bol, deux bols, trois, voire même cinq bols. Son
estomac sera rempli mais le désir sera encore là, immensité sans
fin. Mettez encore du riz devant lui et il se couchera devant pour le
garder. Si un autre chien se montre, il grognera - grrr ;
une poule s'approche : grrr.
Cela
montre que l'estomac n'est pas le lieu du désir, que la bouche
n'est pas le lieu du désir. Ils ont déjà été remplis. Mais la
pensée et la sensation de désir sont toujours présentes, grand
ouvertes. Le Bouddha dit ainsi : « Il n'y a pas de
rivière semblable au désir ». Il est à ce point ouvert qu'il
est impossible à satisfaire, à remplir. S'il est fermé, lorsque
vous versez de l'eau, elle se répand. S'il est ouvert, l'eau
s'y engouffre mais jamais ne le remplit. Le désir est ainsi,
jamais satisfait, toujours à la recherche de toutes sortes de
choses.Prenez une personne qui aime la vie et qui ne
pense pas à la mort. Lorsqu'elle tombe gravement malade, elle
gémit et se plaint : « S'il-vous-plaît, laissez-moi
encore un peu de temps. Si vous devez venir me prendre, faites-le un
peu plus tard. ». Puis cette personne se rétablit. Elle tombe
malade à nouveau et, à nouveau, elle supplie : « Pourrais-je
avoir encore un peu de temps ? Ne m'emmenez pas déjà. »
Quand nous sommes forts et en bonne santé, nous ne pensons pas à la
mort. Nous n'avons pas la sensation d'être en danger. Bien sûr,
nous ne sommes pas hors de danger car nous ne sommes pas encore
morts. Mais quand survient la maladie : « S'il-vous-plaît,
un peu de temps encore. Ce ne serait pas juste de partir
maintenant. » Cela peut se reproduire plusieurs fois, et
toujours nous disons : « Pas encore ». La
vérité est que nous avons peur. Nous ne voulons pas mourir, rien de
plus. Les gens sont attachés à la vie, c'est une forme
d'attachement aveugle. C'est un exemple de désir. Si nous ne
développons pas la sagesse pour connaître le désir, alors toujours
nous connaîtrons un état de souffrance.Tanha
est appelé « désir ». Cela veut dire :
insatisfaction, c'est mieux de l'exprimer ainsi. Certains peuvent
être libérés de tanha.
Ils auront encore des désirs, mais ils se sentiront satisfaits.
Tanha
ne
peut être satisfait. Nous le portons comme un lourd fardeau et nous
lamentons tout au long du chemin. Nous nous plaignons du poids du
fardeau mais nous ne voulons pas le mettre à terre. Si nous voulons
beaucoup de choses, ce sera vraiment lourd. Les gens veulent beaucoup
de choses mais ils ne veulent pas que ce soit lourd. Ce n'est pas
là voir la relation de cause à effet. Si nous comprenons les choses
correctement, c'est très simple. Ce n'est pas un problème. Nous
pouvons en venir à bout.Je pense que le Dhamma est
quelque chose de difficile. C'est perturbant. Mais si nous savons
le contempler, c'est quelque chose qui peut nous mener à la fin de
nos problèmes. Les choses que le Bouddha nous a enseignées ne sont
pas impossibles à mettre en pratique. De toutes les choses qu'il
nous a enseignées, il n'y en a aucune qui soit au-delà de la
capacité de pratique des gens. Il n'a enseigné que ce qui pouvait
être bénéfique pour nous et pour les autres. Ce qui ne peut être
d'aucun bénéfice pour nous et pour les autres, le Bouddha ne l'a
pas enseigné. Veuillez retenir cela.Si la souffrance
survient dans votre vie quotidienne, vous devez chercher pourquoi
elle se produit. Peut-être est-ce parce que vos enfants ne vous
écoutent pas. Bon, qui a engendré ces enfants ? Si vous
souffrez du fait de vos enfants, alors la cause réside en vous. Vous
devez penser ainsi et aller voir à la source. Si vous vous contentez
de vouloir résoudre le problème en contraignant les enfants à
suivre une certaine voie, cela restera au-dessus de vos possibilités.
Vous n'en serez pas capable et vous allez finir en larmes à propos
de vos enfants. Quelle est la véritable raison de tout cela ?
Il y a une raison. Vous devez être vigilant et voir quelle est cette
raison. Les choses ne se développent pas et n'émergent pas ainsi
sans cause ; mais en réalité, vous ne recherchez pas
sérieusement cette cause.Le Bouddha nous a enseigné
à voir que le monde est tel qu'il est. Il a trouvé la paix car il
a compris les choses telles qu'elles sont réellement. De quoi
est-il question ? Laissez-moi faire une comparaison. Avez-vous
déjà vu des singes ? Restent-ils calmes et paisibles ?
Y-a-t-il des singes qui sachent rester tranquilles ? Ainsi sont
les singes : ils grimpent partout tout le temps. Où qu'ils
soient, ils se comportent de cette manière. Mais peut-être
êtes-vous agacé de les voir ainsi ; vous préféreriez qu'ils
restent tranquillement assis, au lieu de les voir grimper et sauter
partout. Cela peut même vous exaspérer au point que vous
souhaiteriez les tuer tous. Mais avez-vous déjà vu un singe calme,
qui resterait tranquille comme on peut apprendre à un être humain à
méditer et demeurer tranquille ? Cela ne se peut pas, sauf de
la part d'un singe qui serait déjà mort.Alors que
faire ? Allez-vous le contraindre à changer ? Vous devez
comprendre que c'est ainsi que sont les singes. Tous les singes de
l'univers se comportent de la sorte. Si vous en observez un et que
vous comprenez clairement son comportement, alors vous connaîtrez
tous les singes. Vous le laissez être tel qu'il est car c'est sa
nature de singe. Que le singe soit calme ou non, cela n'a rien à
voir avec votre sentiment sur le sujet et ce sentiment peut être
calme. Laissez les singes mener leur vie de singe, sans vous sentir
émotionnellement impliqué. La paix peut alors apparaître en vous
parce que vous savez comment se comportent les singes. Connaissant le
comportement des singes, vous pourrez lâcher votre agacement et être
en paix sans plus vous fatiguer à vous mêler de leurs affaires.
Vous les voyez et vous savez qu'ils sont ainsi. Vous allez ailleurs
et vous voyez d'autres singes et vous dites : « Les
singes sont ainsi ». Il n'y a plus aucune négativité de
votre part parce que les singes sont ainsi. C'est tout.Mais vous voulez que les singes soient tranquilles, alors vous
récoltez de la souffrance. Ce n'est pas ainsi que le Bouddha a
voulu que vous résolviez les problèmes. Vous devez les résoudre
par une connaissance de la vérité. Si vous savez les observer, vous
arriverez à comprendre qu'il n'est pas en votre pouvoir de
changer les choses, aussi vous devez lâcher prise et laisser aller.
Une sagesse qui connaît les phénomènes tels qu'ils sont, qui
sait les laisser être ainsi, apporte la paix à l'esprit. Il n'y
aura plus de doute.Il en va de même pour le monde.
Le Bouddha est appelé : « Celui qui connaît le monde
clairement ». Tout comme nous connaissons précisément le
comportement des singes. Le monde doit être ainsi.Généralement, les gens parviennent à reconnaître cela parce
que la nature les a fait mûrir, qu'ils ont eu un grand nombre
d'expériences. Il suffit alors qu'ils entendent quelques
enseignements du Dhamma et ils regardent derrière eux avec regret :
« Oh ! J'ai souffert toutes ces années seulement parce
que j'ai voulu que les choses se passent selon mes désirs. »
Mais parfois quelques années ne suffisent pas ; il est possible
de poursuivre ainsi jusqu'à la mort si vous persistez à penser
suivant vos anciennes vues et que vous ne lâchez pas prise. Alors,
vous ne trouverez jamais la paix. Vous ne verrez jamais le moment où
vous pourrez lâcher prise. Les choses vont d'une certaine manière,
mais vous voulez qu'il en aille autrement, et cela ne se peut.
Quelle que soit la vérité des choses, c'est cela que vous devez
voir.Question :
Supposons qu'un singe commence à jouer avec le feu. Si nous le
laissons faire, il pourrait bien finir par incendier notre maison.
Ajahn
Chah :Non,
non, il ne s'agit pas de cela. C'est un sujet différent. Nous
connaissons les singes et nous devons avoir une plus grande sagesse
qu'eux. Allez-vous laisser le singe jouer avec le feu et brûler
votre maison ? Quand une crise se présente, vous saurez comment
y faire face.Par exemple, chacun de nous doit mourir,
mais cependant nous prenons soin de notre vie. Mais nous y prenons
soin de la même manière qu'un médecin le ferait, en soignant et
guérissant les maladies, et non en essayant de nous prémunir de la
mort car c'est impossible. Un tel remède n'existe pas.Imaginez un bandit qui se rend dans un hôpital. Il est impliqué
dans un cambriolage et a été blessé. L'hôpital doit lui venir
en aide. Certains diront alors que les médecins se rendent complices
d'un voleur, et qu'en le sauvant, ils lui permettent de dévaliser
d'autres maisons. Il n'en est pas ainsi. Il est de la
responsabilité des médecins de soigner les gens. Si vous soignez
quelqu'un, qu'il guérisse et qu'ensuite il aille commettre un
délit, cela n'est pas de votre faute. Vous soignez des gens comme
le requièrent votre fonction et votre responsabilité de médecin.
Vous ne les soignez pas afin qu'ils puissent poursuivre leur
carrière de criminel. Vous ne faites que votre travail en allégeant
les souffrances et en soignant maladies et blessures.Quand des personnes sont malades, elles se précipitent chez le
médecin. De même, si un singe est sur le point de mettre le feu à
votre maison, vous allez faire quelque chose pour l'arrêter. Vous
devez prendre soin des choses et agir avec prudence. Mais s'agissant
de notre maison [notre vie], nous n'avons pas besoin d'un singe
pour l'incendier : il y a déjà un diable dans la place.
« Nous n'avons pas besoin de prendre soin d'elle. Etant
nés, nous sommes condamnés à mourir, alors pourquoi prendre soin
de notre vie ? » On peut se poser la question. Nous devons
prendre soin de notre vie comme le médecin prend soin de ses
patients : afin d'apporter un soulagement temporaire aux
souffrances causées par la maladie. Les gens se plaignent sans cesse
et répètent : « Ces médecins ne sont bons à rien.
Ils me soignent, mais je ne vais pas mieux. Et puis les gens
continuent à mourir ! » Ils se complaisent dans ce genre
de propos insensés. Les médecins ne soignent pas les gens pour leur
épargner la mort. Quel que soit son niveau d'étude, un médecin
n'a jamais appris comment obtenir un tel résultat. Ce n'est pas
du ressort des médecins. Leur responsabilité est de soulager la
souffrance due à la maladie et d'aider leurs patients à vivre
encore, un jour après l'autre. C'est tout. C'est ce que nous
appelons : « Ne pas laisser le singe incendier la
maison ».Nous devons user de sagesse pour
prendre soins des choses. Quand nous savons que les singes sont
partout, prêts à mettre le feu à la maison, est-ce nous devons
nous contenter de nous asseoir et de regarder ? Nous connaissons
le caractère des singes et nous sommes capables de les surveiller et
de les garder sous contrôle. C'est comme avec les enfants :
nous devons connaître leurs façons d'agir et nous devons prendre
soin d'eux. Si nous savons comment les enfants se comportent, alors
nous pouvons veiller sur eux convenablement. Nous savons qu'ils
peuvent mettre le feu ou se couper ou tomber dans un fossé - nous
ne pouvons pas les laisser livrés à eux-mêmes. Une personne qui,
dans une telle circonstance, emploierait l'équanimité, serait une
personne qui ne connaîtrait rien aux enfants. Une telle personne
laisserait le singe incendier la maison. (...)